Le droit du travail et le droit de l'environnement
- Camille Giacomoni

- 7 févr. 2023
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 mars 2023
" Pas d’incitation sans contrainte" 👩🏻💻👮🏻♀️🌿

C’est ce qu’un intervenant a rappelé lors d’une table ronde à laquelle j’ai assisté au sujet des entreprises et de leur rôle dans la planification écologique.
Cette phrase résume parfaitement l’ensemble du problème actuel.
A ce jour, un grand nombre d’entreprises ne prennent pas de suffisamment de mesures en faveur de l’environnement parce qu’il n’existe pas de réelles contraintes juridiques mais seulement une contrainte d’ordre moral.
En effet, les entreprises sont souvent incitées sans pour autant obligées à un résultat (c’est la fameuse différente entre obligation de moyen et obligation de résultat, chère aux cœurs des juristes).
Pourtant, la planification écologique est dans toutes les têtes, elle est même dans le titre officiel de notre nouvelle Première Ministre.
Si on se réfère à l’étude de Carbone 4, la conclusion était la suivante « même avec un comportement individuel proprement héroïque, c’est-à-dire l’activation quotidienne et sans concession de tous ces leviers, un Français ne peut espérer réduire son empreinte de plus de 2,8 tonnes par an, soit environ 25% de l’empreinte carbone annuelle. » pourtant, c’est une baisse de -80% qu’il faudrait atteindre.
Il faut en déduire que, au-delà des citoyens lambdas (vous et moi), les territoires (mairies, départements, régions, national), les entreprises ont un rôle essentiel à jouer dans cette planification.
Pour les entreprises, cela passera nécessairement par le dialogue social.
Le dialogue social, c’est la démocratie de l’entreprise.
Ce levier doit permettre de mettre en place des actions concrètes et durables en faveur de l’environnement, tout en mettant en avant sa marque employeur et en faisant des économies.
Aujourd’hui, existe-t-il suffisamment de contraintes pour les entreprises ?
La réponse est non ❌
Retour ci-dessous sur l'existant.
La base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) 📚🌍
Depuis la loi Climat du 22 août 2021, dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés, l’employeur a l’obligation de communiquer des informations précises sur le volet environnemental de l’entreprise. Un récent décret a enfin précisé les thèmes :
La politique générale en matière environnementale ;
L’économie circulaire ;
Le changement climatique.
Les informations en question vont varier selon la taille de l’entreprise puisque le texte distingue deux groupes d’entreprises, celles tenues ou non de publier une déclaration de performance extra-financière (DPEF), qui étaient déjà tenues à des obligations en ce sens. Concrètement, de quoi on va parler dans cette BDESE ?
Des démarches d’évaluation ou de certification en matière d’environnement (les fameuses B-CORP, Ecovadis par exemple) 🏅👩🏻🎓
La question des déchets, recyclage, utilisation durable des ressources ♻️🗑
L’identification des postes d’émissions directes de gaz à effet de serre, bilan des émissions de gaz à effet de serre 🚗⛽️
Et, à quoi ça sert la BDESE ? 🤔
Elle est à la disposition des institutions représentatives du personnel en permanence et constitue le socle de l’obligation d’information de ces dernières dans le cadre des informations / consultations
Elle permet une certaine transparence des entreprises sur ces sujets et une communication auprès des IRP et des salariés
Et quelles sont les sanctions ? 👮🏻♀️
Un risque de délit d’entrave ;
Un délai de consultation qui ne commence pas à courir ;
Un risque d’action judiciaire du CSE pour obtenir les informations manquantes.
Il est donc important de faire ce travail (qui est, certes, un peu contraignant effectivement, les organisations patronales avaient d’ailleurs milité pour une conception minimaliste du contenu contre une conception extensive pour les organisations syndicales) Pourquoi il faut aller plus loin ? ⏭
Certaines entreprises ne sont pas encore soumises à l’obligation (seulement les +50, or de nombreuses entreprises sont en dessous du seuil et disposent d’un CSE)
L’information environnementale versée dans la BDESE est nettement plus importante et détaillée pour les entreprises soumises à la DPEF, mais les obligations de l’employeur ne sont que très peu modifiées par rapport à celles antérieures
Les informations à fournir restent très légères pour les employeurs et restent peu contraignantes
Il y a énormément d’informations dans la BDESE et ces informations risquent d’être un peu noyées avec les autres
Il faudrait ajouter de nouvelles consultations sur ces sujets pour que les informations prennent du sens et s’ancrent dans un projet plus global
Le comité social et économique, le nouvel acteur de l’environnement en entreprise 💬🌍
Toujours sous l’impulsion de la loi Climat du 22 août 2021 (toujours et encore elle), ses attributions ont été très élargies en la matière. Jusqu’alors, le CSE disposait :
D’un droit d’alerte en situation de danger grave et imminent en matière de santé publique et d’environnement
D’un agrément pour certaines installations spécifiques soumises à autorisation
A présent, plusieurs volets : 1️⃣ L’information Le CSE est obligatoirement consulté de manière récurrente sur :
Les orientations stratégiques de l’entreprise
La situation économique et financière de l’entreprise
La politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi
Désormais, l’information du CSE sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise lors de ces consultations est obligatoire. Il va d’ailleurs s’appuyer sur les informations transmises dans le cadre de la BDESE (qui devra donc, au préalable être remplie). 2️⃣ La consultation Le CSE est désormais informé et consulté sur les conséquences environnementales des questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise dans le cadre des consultations ponctuelles. Dans ce cadre, les informations données au CSE pourront être plus larges que celles inscrites dans la BDESE. A noter que la mission de l’expert portera désormais sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l’entreprise (et un expert peut demander BEAUCOUP de documents, au moins autant qu’un CAC, pour avoir initié des contentieux sur ces sujets dans le passé, il est très difficile d’obtenir gain de cause côté employeur devant un juge) 3️⃣ La formation Il est désormais obligatoire de faire bénéficier d’une formation économique aux salariés nouvellement élus au CSE sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises. Pourquoi il faut aller plus loin ? ⏭
Il serait utile que le CSE rende un avis sur les consultations récurrentes et qu’il ne se contente pas d’être informé (tel est le cas par exemple pour certaines installations spécifiques soumises à autorisation, notamment sur le nucléaire)
Il faut pousser la consultation sur ces thèmes et pas seulement sur la politique générale de l’entreprise
Il faut former tous les représentants du personnel (pas seulement les nouvellement élus aux CSE) afin de sensibiliser l’ensemble des acteurs sur ces sujets (même si on pourra me répondre qu’il existe aussi un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale), il faut aller plus loin dans la pédagogie
Il serait également utile que les commissions santé, sécurité et conditions de travail participent à ces sujets (notamment sur les sujets liés à la santé et à l’environnement, nouvelles maladies professionnelles, les changements de modes d’organisation…)
La négociation collective et le droit de l’environnement 🌍💬
Seulement quelques obligations de négociation en matière environnementale :
La Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) : elle devra désormais se préoccuper de répondre aux enjeux de la transition écologique. Elle ne concerne que les entreprises ou groupes de +300 salariés 👩🏻🌾👷🏻♀️👩🏻🏭👩🏻🔧👩🏻🔬👩🏻💻
La négociation annuelle sur l’égalité entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail doit intégrer depuis la loi d’orientation sur les mobilités un thème sur les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail 🚗🚲
Pourquoi il faut aller plus loin ? ⏭
La nouvelle orientation de la GPEC pourra être écartée par convention et ne concerne que les entreprises de +300 salariés
Trop peu de thèmes de négociation obligatoire
Pas d’obligation de résultat dans les négociations : même pas d’obligation de plan d’action en l’absence d’accord (comme cela peut exister pour l’égalité professionnelle par exemple)
Quelques exemples pour aller plus loin dans les thèmes facultatifs :
L’intéressement 💶 : de nombreuses entreprises commencent à prendre en considération des critères environnementaux dans le cadre des accords d’intéressement (réfléchissez-y, vous avez jusqu’au 30 juin pour conclure vos accords et bénéficier des exonérations fiscales et sociales)
Mise en place d’instances spécialisées 🧑🏻🏫 : certaines entreprises créent des commissions environnement (on pourrait d’ailleurs parfaitement l’envisager au CSE, avec un accord de configuration qui laisse une grande latitude sur ces sujets aux entreprises, elles pourraient ainsi piloter tous ces sujets)
La formation professionnelle 📒 : faire la promotion de la formation en vue de la transformation des emplois avec des plans de formation
Le télétravail 👩🏻💻 : accords collectifs pour éviter par exemple de se déplacer au travail en cas de pic de pollution
Le travail en horaire décalé 🌝 : fluidifier les réseaux de transport
Accords QVCT (qualité de vie et des conditions de travail) 🏖: renforcement de la protection des travailleurs dans certains secteurs d’activité et du confort des salariés
L'intéressement comme levier pour l'environnement 💶🌍
Voici un dispositif facultatif qui est très pertinent si une entreprise souhaite prendre des mesures en faveur de l’environnement sans investir trop d’argent en contrepartie du fait des exonérations fiscales et sociales (le fameux win win win, pour ceux qui ont la référence).
J’encourage vivement les entreprises à les mettre en place même si cela est facultatif. Comment on fait ? 🤷🏻♀️ On conclut un accord collectif :
avant le 30 juin
avec un caractère aléatoire
basé sur une formule de calcul liée aux résultats ou aux performances de l’entreprise
on intègre des critères en faveur de l’environnement, j’en cite quelques uns : diminuer l’utilisation du papier, réduire l’empreinte carbone, favoriser la mobilité verte mais il y en a plein d’autres car les possibilités sont grandes en la matière et vous pouvez jouer avec les critères (oui c’est fun l’épargne salariale voyons ! 🥳)
on fait attention quand même car l’outil reste complexe et cela nécessite souvent un accompagnement, notamment un avocat spécialiste.
A ce jour, le système reste malheureusement réservé aux grosses entreprises alors qu’il présente de nombreux avantages.
La mobilité verte ou comment participer au sauvetage de la planète en allant au travail 🌍🚗
Aujourd’hui, prendre sa voiture seul pour aller au travail constitue le premier poste d’émission de gaz à effet de serre pour toutes les activités liées au travail. Pas terrible pour l’écologie 🌱 Que faire ? 🤔 Encourager des mobilités plus vertes 🚲Ⓜ️ Lesquelles ?
On va chercher un collègue qui habite près de chez nous et qu’on aime bien (tant qu’à faire) pour du covoiturage 🚗👫🏻
On met en place des bus d’entreprise (bon, ça fait un peu car scolaire je reconnais, ou The Office, pour ceux qui ont la ref) 🚎
On vient en transports en commun : bus, métro, transilien… 🚏🚇
On prend son vélo (on fait très attention aux accidents, on va éviter une recrudescence des accidents de trajet, on n’hésite pas à former sur les règles à suivre : équipements de protection, respect du code de la route, pas d’écouteurs…) 🚴
On vient à pied : bon, je reconnais que ça ne correspond qu’à un certain type de salariés, plutôt les citadins en l’occurrence (sinon pour certains ça risque d’allonger grandement le temps de trajet et on pourra les inscrire aux JO de Paris)🚶♀️🏃🏻♀️
On reste chez soi : le télétravail reste une option efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (qui se rappelle du premier confinement et de tous ces animaux qui ont repris leurs droits même en ville ?) 🏠
On met à disposition du salarié des véhicules à plus faibles émissions (et en plus on bénéficie d’abattements intéressants) ⚡️
Et sinon…on peut prendre en charge les frais les transports ? 🤷🏻♀️ Oui :
Le forfait mobilité durable : l’employeur peut prendre en charge tout ou partie des frais des salariés liés à l’utilisation de leur moyen de déplacement avec une exonération fiscale et sociale
La prime transport : l’employeur peut prendre en charge tout ou partie des frais de carburant (exonération fiscale et sociale) et d’alimentation (exonération fiscale et sociale) du moyen de transport
Les frais d’abonnement aux transports publics : obligation de prise en charge à hauteur de 50% du coût des titres d’abonnements hebdomadaires, mensuels ou annuels (transports en commun, location de vélo) (exonération fiscale et sociale)
Par ailleurs, pour rappel, la négociation annuelle sur l’égalité entre les femmes et les hommes et la QVT doit intégrer depuis la loi LOM de 2019 un thème sur les mesure visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail.
De nombreux dispositifs à mettre en place de manière durable dans les entreprises, pensez-y !